Venezuela

Publié le par Crazy4

" Sortir de la dévastation néo-libérale " par Luis Hernández Navarro

Plus l’opposition vénézuelienne vocifère contre Hugo Chávez, plus son leadership se consolide. Plus on dit du mal à l’extérieur sur le président, plus son influence augmente en Amérique latine. Son taux d’acceptation au Venezuela, selon les derniers sondages, avoisine les 70%.

Ses adversaires expliquent le succès de son administration comme le résultat exclusif de la prospérité pétrolière et de la survie d’un État paternaliste et autoritaire. La petrochequera (le chéquier pétrolier), disent-ils, lui a permis d’acheter des loyautés et d’organiser des clientèles, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.

Les faits, toutefois, sont plus complexes. Par principe, le gouvernement bolivarien n’offre d’argent à personne,

et si en distribuant de l’argent, on gagnait des élections, alors les Etats-Unis les auraient toutes gagnées.

Sans aucun doute, l’augmentation du prix de l’or noir a généré des excédents qui ont été réinvestis dans des dépenses sociales et dans l’aide à des pays du sous-continent. Mais cette augmentation de la valeur du pétrole n’est pas un fait conjoncturel qui va disparaître à court terme. Ce qui est déterminant dans la fixation des prix, c’est l’épuisement des réserves et le haut niveau de consommation dans les pays développés. Le gouvernement vénézuelien disposera dans le futur d’une rente qu’il pourra continuer à dépenser pendant des années.Quant au reste, cette dépense est possible parce que, à une époque de pillage néo-colonial des ressources naturelles, le Venezuela décide souverainement de la destination de ces ressources. La souveraineté n’existe que quand elle s’exerce et c’est ce qui se fait dans ce pays.

La rente du pétrole sert à financer un autre modèle de développement, à payer la dette sociale et à soutenir un processus d’intégration régionale différent.

Avec le pétrole vénézuelien, on asphaltait les rues de New York et de Miami ; aujourd’hui, on combat des maladies et on construit des logements.

Malgré le coup d’État [1], la grève patronale et le sabotage pétrolier [2] au Venezuela, l’emploi formel a augmenté, les différences entre le salaire urbain et le salaire rural ont été supprimées, le salaire minimum a été augmenté, les impôts à la consommation ont diminué et l’embauche collective a été favorisée. L’économie a cru de manière vertigineuse et les taux d’inflation sont au plus bas depuis 20 ans.

Le salaire minimum est aujourd’hui de 216 dollars par mois. Il est situé au-dessus du coût du panier de la ménagère minimum ; en fin d’année, il atteindra 238 dollars.

Au Venezuela, la privatisation du système de pensions a été arrêtée et un système public et solidaire de sécurité sociale a été créé. Le nombre de pensionnés est passé de 380 mille à 860 mille. Les pensions sont passées de 67 dollars par mois à 109. Fin 2006, elles atteindront 238 dollars.

Simultanément, l’emploi formel a crû. Si la proportion entre le travail informel et l’emploi formel était de 65% pour le premier contre 35% pour le travail formel, actuellement la proportion est de 44 contre 56%.

Ceci a été possible grâce à un ambitieux programme de formation et d’organisation pour la production ; grâce à la récupération d’entreprises par les travailleurs ; et la restauration du tissu industriel sur base de la convergence entre le secteur public et le secteur privé.

Dans les années 90, le Venezuela s’est transformé en un grand cimetière d’actifs industriels. Le pays a été reconverti en un méga centre commercial de produits importés. Près de 80% de l’appareil productif des secteurs métallo-mécanique, plastique et textile ont été détruit par la politique de désindustrialisation. Un nouveau modèle, qui fait des travailleurs et de la production pour la consommation interne l’axe de son action, a renversé cette tendance. Des politiques de promotion lancées par l’État ont permis la récupération de 40% du tissu industriel. Seulement 25% de cette croissance a été le résultat de l’action du marché.

La révolution bolivarienne a entrepris une ambitieuse réforme éducative.

Sur une population de 26 millions de personnes, elle en a alphabétisé 1 million et demi, elle a fourni une formation alternative par le biais des « missions » [3] à 4 millions de personnes, et elle a permis l’accès à l’enseignement ordinaire à 9 millions de personnes. Cela signifie que 50% des habitants suivent des études.

La couverture sanitaire est très large : 160 millions de consultations depuis avril 2003, accompagnées de campagnes de vaccination, de consultations et de médicaments gratuits pour les plus pauvres, en sont des illustrations. Le lien entre les citoyens pauvres et le réseau de santé est très étroit. Environ 15 millions de personnes, la majorité de ceux qui ont les revenus les plus faibles, ont accès à des aliments subventionnés de bonne qualité. 150 mille nouveaux logements sont en construction.

Devant l’oppression d’une bureaucratie corrompue, héritée des administrations passées, beaucoup de ces programmes ont été exécutés par le biais des missions, en marge des institutions publiques établies. La gestion des deniers publics au moyen des Conseils municipaux approfondira cette tendance décentralisatrice.

Toutes ces initiatives ont été accompagnées d’une participation sociale énorme. Dans les quartiers populaires de Caracas et dans beaucoup d’autres communautés, les réunions et assemblées populaires pour organiser des revendications, évaluer des projets ou décider des initiatives se succèdent les unes après les autres sans relâche. Les ministres et les hauts fonctionnaires sont régulièrement interpellés par les citoyens pour leur faire part de réclamations, propositions ou autres sollicitations. La politique n’est pas seulement l’affaire des politiciens. La démocratie, ce n’est pas seulement des droits politiques en marge des droits sociaux.

Il subsiste bien sûr des problèmes graves d’insécurité publique, d’abus policiers et de corruption de fonctionnaires publics.

Au Venezuela, une transformation politique profondément originale est en cours.

Il y a là des processus nouveaux d’inclusion, d’égalité et de conquête sociale qui cherchent à sortir de la dévastation néo-libérale. Rien ne sert de les juger en les regardant dans le rétroviseur de l’automobile de l’histoire

Notes :
-  [1] Consultez le dossier
« Coup d’État au Venezuela »
-  [2] Consultez le dossier
« Lock out & sabotage pétrolier »
-  [3] Les « missions » sont les programmes sociaux d’alphabétisation, de santé et d’éducation notamment, lancés par le gouvernement vénézuélien à partir de 2003.

source :
-  
Radio Air Libre

En cas de reproduction de cet article, veuillez indiquer les informations ci-dessous :

Source :
-  La
Jornada 30 mai 2006.

Traduction : Diane Quittelier, pour le RISAL



Publié le 15 août 2006  par torpedo

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